Ce pan du projet a commencé quand les données à long terme sur le suivi longitudinal des individus marqués a permis d’aborder des questions relatives aux effets de l’âge et de l’expérience sur les paramètres de reproduction et de mortalité des animaux.
Les questions principales sur lesquelles nous travaillons actuellement sont étudiées dans le cadre de la théorie de l’évolution des traits d’histoire de vie. Nous travaillons à la fois sur l’utilisation d’outils d’analyse de données longitudinales principalement utilisées en démographie humaine, et sur la compréhension des patrons de variation des traits d’histoire de vie le long de la trajectoire de vie des individus.
Peut-on déceler de la sénescence en termes de reproduction ? De mortalité ? Pour la reproduction, voit-on des patrons de variation de la taille de ponte ? De la probabilité d’élever des jeunes viables ?
La vitesse de déclin des paramètres de reproduction et d’augmentation de la mortalité est-elle liée à l’âge d’entrée de l’individu dans le segment reproducteur de la population ?
Quelle la forme de la relation entre reproduction et âge, et entre mortalité et âge ?
Les activités des jeunes avant leur entrée dans le segment reproducteur de la population (qui se fait entre 2 et 10 ans) sont-elles associées à des variations d’âge d’accession à la reproduction ? Notamment l’implication dans des activités territoriales avant-même la reproduction.
L’une des difficultés les plus ardues à surmonter vient du fait que les populations sont généralement composées d’individus dont le « potentiel à survivre », ou le « potentiel à se reproduire » n’est pas le même, pour des raisons souvent inconnues (les conditions connues durant le développement par exemple, ou durant la phase pré-reproductrice, qui dure plusieurs années, le terrain génétique, etc.). Dans une telle situation, il faut déjouer ce que les démographes appellent « les ruses de l’hétérogénéité». Séparer les variations du risque de mortalité au cours de la vie qui s’expriment chez chaque individu, et celles qui sont décelables quand tous les individus sont agrégés, a été l’une des avancées majeures de cette étude, qui permet de poursuivre les travaux dans ce domaine actuellement.
Voici une illustration du patron de variation de la probabilité annuelle de survie en fonction de l'âge: il y une différence entre le patron détecté au niveau de l'ensemble de la population, et le patron exprimé durant la vie de chaque individu.
Les recherches actuelles se sont déplacées sur un nouvel enjeu: comprendre les processus gouvernant la diversité des trajectoires longitudinales individuelles, à l’image des études de parcours de vie en démographie humaine. De manière ultime, ces trajectoires résultent en une distribution de la fitness individuelle dans les populations. Ces trajectoires sont caractérisées par une succession d’états (pré-reproducteur, reproducteur en succès, en échec, non-reproducteur) et une longévité.
Les arrangements d’états dans les parcours individuels soulèvent des questions concernant les effets de l’âge (expérience, sénescence), l’existence de compromis entre la reproduction précoce et plus tardive, et interrogent sur l’existence de plusieurs types de parcours pouvant être éclairés par la théorie de l’évolution des histoires de vie et analysés par des méthodes démographiques. Ces trajectoires individuelles peuvent varier en fonction des conditions connues par l’individu durant son développement, ou durant sa vie reproductrice. Le taux de croissance d’une population dépend donc du vécu des individus de nombreuses années avant. Comprendre les effets différés d’événements environnementaux est important pour comprendre la dynamique contemporaine d’une population. Seuls les suivis longitudinaux à long terme donnent accès à ces connaissances. La composition (par exemple la structure d’âge) d’une population lors d’une perturbation influence sa réponse démographique : cette dernière est le résultat de la réponse différente de plusieurs catégories d’individus présents dans la population à un moment donné. Le suivi individuel de chaque animal permet de prendre en compte l’hétérogénéité au sein des populations et d’éviter les pièges "des ruses de l’hétérogénéité", bien connus en démographie humaine.
Récemment notre attention s’est portée sur le rôle respectif de processus démographiques stochastiques, et de processus différents, mais non exclusifs, connus en démographie humaine ou d’autres champs disciplinaires ("frailty" : traits latents gouvernant les processus de reproduction et de mortalité ; "state-dependance" : modification des arrangements d’états par l’expérience d’états passés, etc.).